Dans La Hague, les hommes ont construit leur paysage en élevant des murets. Ils ont humanisé, à force de mettre des pierres sur d'autres pierres, leur pays du bout du monde.
Entourer un terrain de murets, c'est montrer qu'il a une valeur, un intérêt, un propriétaire. Le diviser par un même muret c'est, en traçant des limites quasi-inamovibles, montrer que la terre n'a pas qu'une valeur marchande ou mesurable, mais qu'elle a valeur de lieu, morceau de pays. Toutes ces parcelles sont un système de repérage topologique, basé sur la proximité, les intersections, les formes remarquables. C'est ainsi que les habitants de La Hague se sont appropriés leur paysage.
Mais aujourd'hui, faute de soins, ce paysage inamovible se dégrade peu à peu, la lande recouvre à nouveau les flancs de collines, les ronces envahissent les murets les moins exposés aux vents marins, l'angulosité minérale cède à la rondeur végétale. Ne reste que le tracé. Les parties de murets éboulés ne sont plus remontées.