Depuis les années soixante-dix, on sait que les haies, outre leur intérêt pour la biodiversité ou le paysage, favorisent les cultures qu'elles entourent. En effet, elles en améliorent le rendement, car elles atténuent les effets du vent et limitent l'érosion du sol, apportent de la fraîcheur en été et de la douceur en hiver.
Et pourtant, depuis les années soixante-dix aussi, dans le Calvados, la Manche et l'Orne, la moitié des haies a disparu. Dans ces trois départements, le bocage a même perdu 40 % de son linéaire de haies de 1972 à 1998, soit en moyenne 3 300 km/an. Ces chiffres sont connus grâce à une méthode mise au point en 2002, basée sur l'analyse de photos aériennes, à différentes périodes, d'un échantillon permanent de cercles de 300 m de rayon.
On pensait cependant qu'un effort avait été fait. En effet, de 1998 à 2006, un net ralentissement des suppressions de haies s'est fait sentir, en particulier dans le Calvados et la Manche. Mais les observations réalisées entre 2006 et 2010 semblaient montrer que ce ralentissement n'était qu'une pause, car, dans l'Orne et les franges de la plaine de Caen surtout, des linéaires de haies avaient de nouveau été détruits.
Il faut dire que l'entretien d'une haie est chronophage. Or, entre 1970 et 2010, en Normandie, le nombre d'exploitations agricoles a été divisé par trois, celles qui subsistent sont trois fois plus grandes et les actifs agricoles trois fois moins nombreux. Le temps manque aux agriculteurs pour entretenir correctement leurs haies et on peut comprendre qu'ils optent pour la solution la plus radicale pour gagner du temps. Le bois de haies est par ailleurs beaucoup moins valorisé sous forme de bois d'oeuvre ou de chauffe qu'autrefois, et ne représente plus une ressource économique importante.
Afin de mettre à jour cet indicateur fondamental pour la connaissance du patrimoine naturel de notre région, la DREAL a renouvelé les observations en 2016 à partir d'orthophotographies de 2012. Et les constats se sont vérifiés surtout dans la Manche, et notamment dans le Cotentin et dans le bocage saint-lois. Dans ces deux régions, les plus fournies en haies de Normandie, la densité bocagère est passée de 12km/km² à 10 km/km² en six ans. Certes, la situation semble s'être stabilisée dans le Calvados, mais pour l'Orne et la Manche, il faut vite se montrer persuasif. Dans l'Eure et la Seine-Maritime, la densité de haies est beaucoup plus faible.
Certes, les incitations financières à la plantation existent, grâce aux fonds européens et aux subventions départementales, mais elles n'ont jusque-là permis de ne replanter qu'une centaine de kilomètres de haies par an en moyenne alors que 2 000 km de haies disparaissent chaque année.
C'est pourquoi, outre le suivi de cet indicateur, la DREAL (SRN) travaille actuellement :
sur la protection des haies par les collectivités locales, via les documents d'urbanisme et leur prise en compte des Schémas Régionaux de Cohérence Écologique,
sur l'amélioration des pratiques agricoles et le développement d'une animation territoriale, via le programme opérationnel du FEADER et les partenariats avec le Conseil Régional Normandie et l'Agence de l'Eau.
L'enjeu consiste à replacer la haie à la fois dans le contexte économique de chaque exploitation et dans le contexte identitaire de la région Normandie.